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Angers, un jeton de présence de nécessité

Angers, une tradition de jetons de présence

Créée dans les années 1830, la caisse d'épargne d'Angers a, relativement tôt, recours aux jetons de présence. Le premier jeton connu, signé du graveur Armand-Auguste Caqué, médailleur officiel de Napoléon III, est fabriqué à la Monnaie de Paris. Signalé, en 1910, dans Mémoires de la Société d'agriculture, sciences et arts d'Angers, l'article date sa création au 24 décembre 1895. C'est également cette date qui est évoquée par Albert Bruas, Président du conseil d'administration, auteur de la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Angers, ses origines son développement et son fonctionnement, en 1911. Cette information n'est pourtant pas cohérente en ce que Caqué meurt fin décembre 1881 et que l'on retrouve ce jeton avec un poinçon abeille témoignant d'une production entre 1860 et 1879.

Jeton de présence par Armand-Auguste Caqué – 31 mm

Plus tard, c'est Henri-Auguste-Jules Patey qui sera chargé de graver un « jeton-médaille » que le même périodique de 1910 date de l'année 1899 (information qui reste très incertaine, quoique confirmée par Albert Bruas). Le module de 41 mm laisse planer le doute sur une utilisation possible en tant que médaille honorifique. Albert Bruas en parle comme d'un jeton dans son utilisation, tout en le décrivant comme une médaille artistique. Comme pour le jeton de Caqué, il est produit par la Monnaie de Paris ainsi qu'en atteste le poinçon corne d'abondance.

Jeton ou médaille par Henri-Auguste-Jules Patey – 41 mm

La troisième période connue de production de jeton est plus récente. Il s'agit du jeton octogonal commandé à René Grégoire, conseiller technique aux beaux arts pour la ville d'Angers à partir de 1919, qui retient un thème très proche de celui qu'il va utiliser pour la médaille de la Ville entre 1945 et 1950. Ce jeton est produit dans un atelier privé, probablement l'atelier Delande, en argent et en bronze.

Jeton de présence par René Grégoire – 36 mm

1914-1920 : une époque de pénuries

 

 

Au delà de ces jetons métalliques, on a retrouvé dans L'Intermédiaire des chercheurs et curieux, de janvier 1915, page 339, la mention d'un jeton de présence un peu particulier :

 

« La Caisse d’Épargne d'Angers donne à l'Administrateur qui préside chaque séance, un jeton d'argent. Ces jetons d'argent étant épuisés, et vu l'impossibilité pendant la guerre d'en faire frapper, ils ont été remplacés par des jetons en papier d'un très joli aspect, à tirage en deux couleurs, rouge et noir. (…) Entre les mots séance du » et « Le Président » est frappé un timbre rond, en relief, réduction de l'ancien jeton de la Caisse d’Épargne. (…) On s'est inspiré, pour le papier, le tirage et l'arrangement du texte, des billets de confiance de la ville d'Angers, émis sous la première République. Signé Saint-Jean. »

 

Ce petit texte est riche d'informations à plus d'un titre. Non seulement, il décrit très précisément le jeton en question mais il précise reprendre, en timbre sec, l'ancien jeton qui n'est autre que celui de Caqué. Il est donc probable que l’œuvre de Patey n'ait pas encore été distribuée à cette époque ou, en tout cas, pas sous la forme de jeton de présence mais de médaille. L'éventualité de retrouver un tel objet semblait infime même si l'on peut penser qu'il était distribué non pas au seul Président de séance mais à chaque administrateur présent. Grâce à un collectionneur passionné, Thierry Charpentier, ce jeton a bien été retrouvé mais en plus, il n'est pas le seul.

Jeton de présence « de nécessité » – 100 x 75 mm - @Th. CHARPENTIER

En effet, la référence littéraire qui évoque ce jeton, datant de 1915, ne précise pas combien de temps la Caisse d'épargne d'Angers a eu recours à ces productions de nécessité. Thierry Charpentier en possède plusieurs exemplaires qui permettent de supposer une histoire qui s'étale au moins de 1915 à 1920. En effet, il possède deux autres éditions de jetons en carton, basées sur un dessin, daté de 1917, de Charles Berjole, poète, illustrateur et dessinateur angevin. Le premier ne diffère du second que par la légende faisant référence à la guerre de « 1914-1917 », les autres éditions sont postérieures à 1918.

Jeton de présence « de nécessité » 1917 – 100 x 75 mm - @Th. CHARPENTIER

Si le timbre sec a été conservé, l'esprit du billet de nécessité originel a disparu au profit d'une iconographie plus contemporaine. De plus, la convertibilité en jeton d'argent a, elle aussi, disparu. Thierry Charpentier a retrouvé, pour ce modèle, une version en rouge, illustrée ci-dessus ainsi qu'une version imprimée en noir.

 

Le même jeton, sans mention de la guerre, a également été retrouvé, pour des séances d'administration de 1919 et 1920. Sous cette forme, il est imprimé en rouge sur fond blanc pour 1920 et imprimé en noir sur un fond tricolore patriotique, illustré ci dessous, pour 1919 et 1920. là encore, aucune convertibilité n'est précisée, ce qui laisse penser que ce jeton a pu être normalisé pendant un certain temps.

Jeton de présence « de nécessité » 1917 – 100 x 75 mm - @Th. CHARPENTIER

À signaler également deux impressions sur papier brun et papier bleu-vert, non datées et sans timbre sec pour lesquelles on peut penser à des jetons « vierges » non attribués.

 

Pour le moment, nous n'en savons pas plus sur la durée d'utilisation de ces jetons. On ne sait d'ailleurs pas si la première édition a effectivement donné lieu à échange contre un jeton en argent, avec lequel, ni quand. Par contre, on peut penser que le jeton de Caqué a eu cours jusqu'en 1914. Le jeton de nécessité aura pris sa place à la faveur de la guerre. Les jetons d'argent sont-ils revenus au goût du jour dans les années 30 ou 40, avec l’œuvre de Patey ? Ce dernier a-t-il servi de compensation au sortir de la période de crise ? Il est tout à fait envisageable que l'usage n'ait repris que dans les années 50 avec l’œuvre de René Grégoire. Pour ce dernier, un certain nombre d'exemplaires ont été retrouvés avec une date gravée en creux : le 9 avril 1951.

 

Outre cette date énigmatique, il reste aussi à expliquer l'utilisation du jeton médaille de Patey.

Références et crédits photographiques

© 2017 par Christophe CHARVE
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